Etudes de Philologie et d'Histoire
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Le monde de la poésie est en pleine mutation à l’époque de François Ier. En même temps qu’un modèle culturel médiéval continue d’exister, de nouveaux enjeux idéologiques et commerciaux entraînent la recomposition du public. Le champ litt©raire ressemble de ce fait à un laboratoire d’expérimentation de formes inédites.
Marot est une figure emblématique de cette effervescence. Porté par l’Humanisme et l’Evangélisme d’une part et tirant parti des potentialités de l’imprim© d’autre part, il développe, à travers un dialogue ininterrompu avec Virgile, Ovide, Horace et Martial, une réflexion extrêmement lucide sur sa propre condition d’écrivain. Il sème ainsi les germes d’une conception originale de l’auctorita qui sera exploitée par la génération suivante.
C’est cet auteur en chantier qui est décrit, à travers l’étude de trois thèmes : les relations qu’il entretient avec ses pairs, les masques que se façonne l’énonciateur au gré des circonstances et, finalement, la vocation poétique telle qu’il la conçoit dans l’églogue " Au Roy " de 1539. C’est un Marot complexe qui en surgira, tiraillé entre plusieurs aspirations et conscient d’être autant un Tityre qu’un Mélibée.
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La Discussion apologétique pour l’astrologie contre un certain médecin est un document indispensable à la compréhension de Michel Servet et à la connaissance de son séjour parisien entre 1536 et 1538. Il nous montre d'abord l'implication de l'astrologie dans la culture du jeune humaniste et de ses amis, ainsi que la violence des controverses, scientifiques et religieuses, qu'elle suscitait à l'Université de Paris. Ce pamphlet nous introduit ensuite dans la Faculté de médecine où Servet, sous le nom de Michel Villanovanus, était régulièrement inscrit pour achever ses études : nous voyons s’y affronter plusieurs clans sur la question de la médecine astrologique, notamment celui du doyen Jean Tagault et de son entourage, passionnément hostiles à ce qu'ils considéraient comme une superstition impie. Un procès s’ensuivra, qui ne retiendra pas, pour cette fois, le crime d’hérésie.
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La littérature du XVIe siècle en France est conditionnée par la généralisation de l’imprimerie. La production littéraire, au sens large du terme, est évidemment affectée par cette innovation: certains auteurs, conscients des moyens inédits dont ils disposent, adaptent leurs travaux au support imprimé; d’autres en revanche contestent une diffusion de masse et réservent leurs œuvres à des lecteurs choisis; d’autres encore – mais ce sont parfois les mêmes, à des périodes différentes – exploitent systématiquement les ressources de l’imprimerie et développent de véritables stratégies commerciales. Les seize contributions réunies examinent les étapes successives de la production poétique de la Renaissance, de la composition d’une œuvre à sa publication éventuelle et à sa réception.
Sommaire: Michel Simonin : "Ferrailles et farragines : vers en vrac à la Renaissance"; Perrine Galand-Hallyn et Fernand Hallyn : "'Recueillir des brouillars' : éthique de la silve et po©tique du manuscrit trouvé"; Jeanne Veyrin-Forrer : "François Rasse des Neux et ses tombeaux poétiques"; Amaury Flégès : "Enjeux politiques et littéraires d’un tombeau collectif. La célébration poétique de Christophe de Thou (1583)"; Silvia DAmico : "Alterum amant oculi, doctis placet auribus alter : les poèmes de Germain Audebert"; Chiara Lastraioli : "Un collectioneur strasbourgeois à la Renaissance : Johannes Schenckbecher et son recueil de textes anonymes"; Frank Dobbins : "Recueils cllectifs de musique et poésie"; Jean Vignes : "Les modes de diffusion du texte poétique dans la seconde moitié du XVIe siècle : essai de typologie"; Frank Lestringant : "André de La Vigne et Le Vergier d’honneur"; Mireille Huchon : "La Fleur de po©sie française dans la Rhetorique de Fouquelin : une autobiographie de Ronsard"; Jean Balsamo : "La composition des Sonnets spirituels de Desportes"; Anne-Bérangère Rothenburger : "L’Eglogue de la naissance de Jésus-Christ par Louis Dorléans : dattion et filiation poétiques"; Rosanna Gorris Camos : "Diverses Meslanges poetiques ou la composition des recueils poétiques de Guy Le Fèvre de La Boderie : du Compas d’or à la Vierge au luth"; Jean Dupèbe : "L’Ægloga de Monarchia de Jacques Gohory(1543-1544)"; Line Amselem-Szende : "Le complexe du compilateur : Juan López de Úbeda Vergel de flores divinas (1582)"; Jean-Eudes Girot : "Poésie et manuscrits".
L’une des particularités de la littérature du XVIe siècle en France tient au fait que la généralisation de l’imprimerie modifie les modalités de production et de réception de l’œuvre littéraire, même si le passage du manuscrit à l’imprimé n’a pas eu de conséquences immédiates ; ce n’est que progressivement en effet qu’auteurs et lecteurs affinent leur connaissance du nouveau médium. La production littéraire au sens large du terme est évidemment intéressée par ces changements : certains auteurs, conscients des conditions nouvelles qui leur sont offertes, adaptent leur production au support imprimé ; d’autres en revanche feignent de s’opposer à une diffusion de masse et réservent leurs œuvres à des lecteurs choisis ; d’autres encor - mais ce sont parfois les mêmes, à des périodes différentes - exploitent systématiquement les ressources de l’imprimerie et développent de véritables stratégies commerciales. Ainsi, à la Renaissance plus qu’en aucun autre temps, lire un texte suppose-t-il de connaître un ensemble d’éléments en apparence étrangers à l’élaboration littéraire, mais en réalité intimement liés à l’acte de création. Les seize contributions réunies examinent les différentes étapes de la production poétique de la Renaissance, de la composition d’une œuvre sa publication éventuelle et à sa réception.
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La carrière littéraire de Maurice Scève s’ouvre en 1533, par une découverte dont la portée est symbolique. En Avignon, au fond d’une sépulture ancienne, le poète trouve en même temps que la dépouille de Laure, la célèbre muse de Pétrarque, les premiers éléments de sa propre écriture. Si le corps de la morte lui inspire d’emblée un dialogue avec le " Thuscan Apollo ", Scève recherche bientôt d’autres corps et d’autres modèles en sorte de donner corps à sa poésie. Dans l’entreprise collective des Blasons anatomiques du corps féminin à laquelle il participe avec succès, ce n’est pas tant le corps anatomique qui l’intéressera que le paradigme physiologique, hérité de la pneumo-fantasmologie stilnoviste et remis au goût du jour par le néo-platonisme d’obédience ficinienne.
Recoupant ces influences, peu étudiées jusqu’ici, Thomas Hunkeler aborde l’œuvre majeure du poète lyonnais, Délie, et corrobore que l’appréhension du corps n’a jamais cessé d’informer la poétique de Scève.
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On appelle Insulaire (en italien Isolario) un atlas exclusivement composé de cartes d’îles. Plus simplement, l’Insulaire, c’est le Livre des îles, titre de l’atlas nautique rassemblé vers 1420 par le Florentin Buondelmonti. Le genre connaît un essor ininterrompu du XVe au XVIIIe siècle. Non seulement la terre entière est a guisa d’un’Isola, comme une île au milieu des océans, mais la description en archipel favorise aussi une appréhension progressive du monde, émietté et particularisé à l’infini. L’Insulaire va de pair avec l’éloge de la variété. Il se rencontre à une époque où fleurit la bigarrure, où celle-ci apparaît comme le signe du divin dans le monde. Les systèmes de l’âge moderne ont eu raison, semble-t-il, de l’esprit d’archipel. A l’ère de l’homme unidimensionnel et de la globalisation, il est urgent de renouer avec une configuration de la terre parcourue de lacunes et de béances, mais contenant une place pour chaque singularité, fût-ce la plus imprévisible.
Si l’Insulaire est un atlas, il est aussi un récit. Un récit fragmenté, discontinu, en archipel. Prolongeant l’histoire de l’Insulaire nautique, et tirant de celui-ci un modèle descriptif, ce nouveau Livre des îles conduit de la Genèse à Jules Verne et de l’Odyssée aux Iles Enchantées de Melville. Il a pour escales l’Histoire vraie de Lucien, la Navigation de saint Brandan, le Quart Livre de Pantagruel de Rabelais, les îles tour à tour satiriques et amoureuses de l’âge classique, les Voyages de Gulliver de Swift, l’herbier des îles du botaniste Tournefort et L’Archipel de la Manche de Victor Hugo.
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Les Regrets, même à la lecture des études les plus récentes, restent une œuvre énigmatique. Comment l’expression élégiaque, l’écriture mêlée à la satire et la rhétorique de l’éloge, autant de techniques renouvelées par Joachim Du Bellay, peuvent-elles se concilier? Comment cette poésie, nourrie d’intertextualité, peut-elle se proclamer "prose en ryme" ou " ryme en prose", "papiers journaulx" ou bien "commentaires" ? Comment apprécier le statut du Je par delà la fable et les sources d’inspiration dominantes ?
L’auteur, suppléant le défaut d’études linguistiques consacrées à l’œuvre du poète, a donc voulu étudier les formes de la subjectivité lyrique et de la textualité littéraire afin de mettre en évidence les traits constitutifs du discours poétique dans Les Regrets. Elle s’attache, d’une part, à caractériser la langue naturelle de Du Bellay dans ses lettres, dont elle a aussi analysé l’orthographe manuscrite, et, d’autre part, à en étudier l’application stylistique dans le recueil. Grâce à une analyse statistique des faits syntaxiques et métriques, elle dégage ainsi les dominantes de l’écriture épistolaire et met en lumière la clôture harmonieuse des Regrets dans un mouvement ascendant allant de l’obscurité à la lumière.
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A la suite de Pré-histoires. Textes troublés au seuil de la modernité (Droz, 1999), Pré-histoires II recourt derechef aux textes littéraires et aux sources para-littéraires, discursives notamment, pour éclaircir des questions non résolues de l’histoire culturelle et de ses codes sociaux. S’inspirant de la rencontre, au début de l’œuvre de Rabelais, de Pantagruel et d’un Panurge polyglotte, la première partie interroge le statut des langues vivantes au XVIe siècle et constate l’évolution rapide des moyens de les apprendre. La seconde partie observe les effets de l'enchérissement qui secouait alors l’Europe, les identifiant notamment dans l’inflation économique et dans l’intérêt pour les langues étrangères considérées comme une technique d’expansion marchande. Elle cherche en somme à déterminer à quel point la célèbre Response à M. de Malestroict, où Jean Bodin se fait l’analyste de la croissance, peut être citée comme un "seuil" de la compréhension graduelle de cette convergence.
Des textes très divers sont sollicités dans ces explorations ; ce sont pourtant des épisodes empruntés à François Rabelais qui en constituent le plus souvent le paradigme, si bien qu'on en vient à considérer Pré-histoires II comme une méditation sur Rabelais et sa relation à l'histoire, économique et culturelle, numéraire et littéraire en particulier. La réflexion tend à établir que des phénomènes troubles, considérés habituellement comme distincts ou même incompatibles, sont présentés comme liés, dans le monde imaginaire de la fiction rabelaisienne, avec une lucidité exemplaire.
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Près de trente études composent l’hommage que rendent d’éminents seizièmistes à Claude-Gilbert Dubois, professeur émérite de l’université Michel de Montaigne à Bordeaux, spécialiste bien connu des rapports qu’entretiennent l’histoire et la littérature à la Renaissance, auteur d’une vingtaine d’ouvrages et de très nombreux articles.
La première partie du recueil traite de l’abondance des techniques d’écriture de l’histoire – celles du récit et du songe, de la chronique et de la nouvelle, du pamphlet et de l’éloge. La seconde estime le concert de l’humanisme et de la création artistique dans l’œuvre de Montaigne : les réflexions sur la chevalerie et l’humanisme, la culture philosophique et médicale, le féminisme et la philosophie, l’humanisme et l’histoire, le mythe et la poésie, l’architecture et la musique se complètent et sollicitent les travaux de Claude-Gilbert Dubois tout en les prolongeant.
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Dire à demi, dire confusément, dire discordamment : telle est l'obligation particulière, dit Montaigne, qui pèse sur son projet singulier, sur son extravagant projet. Assurant le lecteur, au seuil des Essais, que son livre est "de bonne foi", ne cherche-t-il pas cependant à l'égarer, à le séduire, à le prendre "par une forme de guet-apens" comme dit l'ami Pasquier ? La vérité a, comme le mensonge, tant de visages! Il arrive que tel mensonge dise en partie le vrai, que l'omission, le déguisement, la feinte dévoilent une "vérité" que l'écrivain choisit de découvrir tout en la couvrant. Celui qui aime le jeu d'allusions propre à la poésie érotique, et qui admire le discours oblique des oracles sibyllins, celui qui avoue à l'occasion qu'on ne saurait "dire tout", celui-là sait aussi qu'il y a des paroles qui signifient plus qu'elles ne disent et d'autres qui signifient même ce qu'elles ne disent pas.